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Ce qu'en pense le Pr Isabelle TOUITOU
Membre fondateur CeRéMAIA de Montpellier
Lorsque j'ai rejoint le laboratoire de génétique du CHU de Montpellier au début des années 90, j'ai souhaité mettre en place une nouvelle thématique alliant recherche et clinique, qui me permettrait de travailler sur une maladie évoquant la Méditerranée, pour laquelle je connaissais des patients, et qui était encore génétiquement orpheline.
La maladie périodique, ou fièvre méditerranéenne familiale (FMF), peu connue en France il y a une trentaine d’année, s'est imposée comme une évidence. Les raisons en sont multiples. Un diagnostic erroné, dû notamment à l'indisponibilité de tests biologiques spécifiques de la maladie, privait les patients atteints de FMF de la possibilité de recevoir le seul traitement connu comme efficace à l'époque, la colchicine, les douleurs intenses qui les accablaient cédant mal aux antalgiques classiques.
En l'absence de traitement, ils risquaient également de développer une complication grave, l'amylose rénale, qui les conduisait à la dialyse.
Enfin, le caractère récurrent et sans cause apparente des crises conduisait ces patients à s'absenter de l'école ou du travail, tandis que la disparition totale des symptômes en dehors des crises incitait parfois le médecin traitant à les orienter vers un psychiatre.
Dans le but d'identifier le gène responsable de la FMF, appelé MEFV pour MEditerranean FeVer, un consortium français s'est constitué, comprenant notre équipe à Montpellier, ainsi que celles des Professeurs Delpech, Goossens, Grateau, et Weissenbach (Généthon).
Nous savions déjà qu'il s'agissait d'une maladie héréditaire, c’est-à-dire transmissible de génération en génération, et le consortium israélo-américain avait localisé MEFV sur le chromosome numéro 16, mais ne l'avait pas encore trouvé.
Nous avons sollicité les patients et leurs familles qui nous ont beaucoup aidés en offrant leur sang pour étudier leur ADN.
Le gène a été isolé en même temps par les deux consortia et les quatre principales mutations ont été publiées en août 1997.
Désormais, il est possible d'effectuer un test génétique de routine pour confirmer la maladie chez les patients cliniquement suspectés d'être atteints de FMF.
Au cours des trois dernières décennies, les progrès constants de la recherche ont permis :
L’accumulation de ces connaissances a également permis d'améliorer la prise en charge clinique des patients atteints de maladie périodique, notamment au sein de réseaux d'experts tels que le centre de référence CeRéMAIA, ou la filière FAI2R.
Nous sommes maintenant en mesure de mieux répondre aux questions que se posent les médecins de proximité et les malades atteints de FMF, qui sont résumées dans ce livre de 100 questions.
Ce qu'en pense le Pr Gilles GRATEAU
Membre fondateur du centre de référence de la FMF
La maladie qui porte maintenant le nom de fièvre méditerranéenne familiale (FMF) a été dans le passé nommée par diverses expressions, chacune décrivant partiellement une de ses caractéristiques de cette mystérieuse affection.
En France le nom usuel était « maladie périodique ». Ce qualificatif plutôt énigmatique se rapportait au caractère récurrent des accès, il était imprécis car cette récurrence n’offre pas la régularité que suggère le qualificatif périodique. Parmi les autres noms retenons « péritonite paroxystique bénigne » et « polysérite récurrente » chacun mentionnant une caractéristique clinique pertinente.
Pour donner brièvement les principaux éléments cliniques de cette maladie, je vais citer les descriptions du livre d’Andrei Makine, L’ami arménien. Dans ce livre, le narrateur raconte sa vie dans un orphelinat sibérien dans les années 1970 et sa brève amitié avec Vardan, un camarade arménien, qui est atteint de la « maladie arménienne », un autre nom de la FMF. Les différents symptômes y sont décrits de façon très concise :
Ces symptômes sont l’objet de moqueries par ses camarades de camp et de crainte de contagion : « Tu l’as choppée où ta gale arménienne ? Non, ne t’approche pas !, garde tes saloperies de microbes pour toi ».
Le diagnostic est fait par le médecin du camp : « Non, je vous l’ai dit, son cas n’est pas si rare. Enfin, pour ces populations-là. Avec ses origines et ses symptômes, c’est à coup sûr la maladie arménienne ». Ce médecin fait facilement le diagnostic car il a déjà vu des patients et analyse correctement les données cliniques.
Pendant des décennies le diagnostic a reposé sur ces deux éléments : la population d’origine du patient et la récurrence de symptômes douloureux et inflammatoires typiques par leur localisation et leur durée. Si toutes les données cliniques n’étaient pas mises en relation, le diagnostic pouvait être ignoré pendant de longues années. Depuis ce récit, les outils diagnostiques se sont enrichis, avec les marqueurs de l’inflammation sanguine et avec la génétique. Les résultats de ces examens complémentaires des symptômes cliniques doivent toujours être analysés dans leur contexte pour en extraire des conclusions pertinentes.
Andreï Makine mentionne sans le nommer un médicament qui aurait pu sauver son ami : la colchicine. Cette molécule a transformé le pronostic de la FMF. Au cours des dernières décennies de nouveaux médicaments sont apparus et renforcent la panoplie thérapeutique de la FMF. La principale complication chronique de la FMF est l’amylose qui détruit essentiellement les reins ; sa fréquence a considérablement diminué sous l’effet des traitements.
La maladie périodique occupait un chapitre du livre de Fred Siguier « Maladies vedettes » paru en 1957. La FMF n’est plus aussi mystérieuse qu’à cette époque, elle reste une maladie « vedette » dans la mesure où elle est devenue le chef de file d’une nouvelle catégorie de maladies de l’immunité que l’on appelle « auto-inflammatoires » et a ainsi profondément changé la compréhension des maladies de l’immunité.
Bonne lecture !
Une version papier (livre) de cette initiative est disponible auprès de la maison d'édition Katana Santé (https://katanasante.com)